Ton père a toujours été la plus belle chose que Dieu ait fait sur terre. A tes yeux, soyons d'accord. Pourtant, il était loin d'être parfait. Mais pour toi et toi seul, il était ton exemple, ton héros. Militaire, assez gradé pour faire en sorte que votre maison soit celle d'une famille un poil plus que modeste ; s'il aimait la discipline, il aimait surtout te gâter. Il fallait dire que tu étais le petit dernier et surtout, le seul garçon au milieu de quatre filles. Il t'avait tant voulu, tant souhaité, que même si les caprices étaient interdits, tu avais le droit, plus que tes sœurs en tout cas. Injustice, quand tu nous tiens.

Quoi qu'il en soit, tu faisais sa fierté, après tout, dès que tu fus en âge de réellement exprimer tes choix tu avais été demandeur d'entrer dans le système "politique et militaire" dont ton père faisait parti et était l'un des "enseignants" : la Hitlerjugend. Trop petit pour en faire parti, mais assez grand pour entrer dans le cadre en dessous, dès tes dix ans, tu intégreras la Deutsche Jungvolk, malgré que ta mère restait réticente quant à cette décision : brillant, bon élève, elle s’inquiétait que cette unité ne relève pas ton plein potentiel. S'il était vrai que les études n'étaient pas la chose la plus travaillée au camp, tu montreras bien vite d'autres aptitudes et surtout de la compétitivité qui te rendra redoutable. Ce fut pire encore lorsque tu rejoindras le grade au-dessus, dès tes quatorze ans, ton père ne te faisant clairement pas de cadeau. Mais c'était ainsi que cela fonctionnait. Tu étais un bon petit soldat et surtout tu étais une terreur, plus que d'autres jeunes vu que certains croyaient par ton lien de famille que tu aurais le droit à un traitement de faveur. Que nenni. Cela faisait ton caractère, tranchant, manipulateur, vivre en communauté t'avait aussi appris à surveiller les autres et à prendre soin de ceux que tu jugeais être à la hauteur. Ultraselec. Tu faisais partie de la jeunesse Hitlérienne qui allait pouvoir se targuer d'avoir un bon poste lorsque la majorité pointera le bout de son nez.

Fier, ce que tu n'avais pas prévu cependant serait qu'à peine "adulte", majeur tout du moins, tu irais d’emblée sur le terrain :

1939 : Assistant d'un chef d'armée, tes premiers pas en dehors du pays sont en Pologne, tu y resteras 2 ans et tu verras les premiers déportés Juifs en camp de concentration.
1941 : On te fait rentrer au pays, tu deviens lieutenant et ton poste se trouve à Ravensbrück
Février 1942 : Une lettre te parvient, de ton père, l'une de tes sœurs rejoindra ton camp, mais comme détenue. Amoureuse d'un juif, il n'aura pas fallu longtemps que cela se sache.
Juillet 1942 : Humiliée, reniée, maltraitée, ta sœur met fin à ses jours.
1943 : Tu passes Major. Et tu fais une sacrée rencontre qui chamboulera le reste de ta vie. Il porte un nom : Aleksandr Lehto.
1945 : Fin de la guerre, départ (fuite) pour les Etats-Unis.

Connaissez vous le mal ? Et tu ne parles pas de démons en parlant de ça, non, le vrai mal, celui qui ronge le corps et le cœur d'un homme ? Celui qui vous donne l'envie de finir au bout d'une corde ? Si non, grand bien vous fasse. Toi, c'était tout autre. Vous faire un résumé sans trop rentrer dans les détails sordides ? Ancien nazi, en fuite vers les Etats-Unis, sous une autre identité, avec seulement quelques semaines de battement pour apprendre les bases de l'anglais, en compagnie d'un homme dont tu es tombé amoureux, toi, non mais vraiment toi ? Toi qui a grandi en justifiant que ses putains de sodomites étaient bons pour le gaz, au même titre que ta sœur que tu as laissé sombrer ? Non, vraiment, y'a pas de quoi en faire tout un fromage, si ?

Difficile à avaler. Sans mauvais jeu de mot. Et pourtant, il est là : Aleksandr. Il te soutient, te porte comme il ne l'a sûrement jamais fait. C'est un homme mystérieux, qui a réussi à se faire une place auprès de l'armée Hitlérienne et qui aujourd'hui...abuse de ses contacts pour te faire sortir de toute cette merde. Si tu as refréné tes sentiments à son égard, aujourd'hui, tu n'as plus aucun doute, même si tu as encore du mal à l'annoncer tout haut. Tu passes donc les frontières et arrives aux États-Unis sous le nom de Manuel Rohde, histoire de garder tes initiales, pour vous installer dans une maison de l'Ohio appartenant à Alek.

Et à bien y réfléchir, tu te demandes comment ton compagnon a autant de contact, une telle maison, une facilité déconcertante pour arriver à ses fins. Si tu n'avais jamais trop posé la question, trop occupé au camp et aujourd'hui au Etats-Unis, trop obsédé par les années de paranoïa, de terreur nocturne, bref, de ton état de stress post-trauma, Aleksandr le savait, tu finirais bien par t'interroger...

1946 : Arrivée dans l'Ohio, Aleksandr a une maison assez isolée et des terrains qui vous permettront d'élever quelques animaux, dont des moutons, tu aimes bien les moutons, t'en occuper t'aide à te recentrer.
Juillet 1947 : Lors d'une tentative de suicide (énième), Alek te sauve et arrive une fois de plus à te calmer, tu ignores comment, mais l'effet est toujours le même.
Décembre 1947 : Tu te stabilises, tu te rends bien compte qu'ici vous êtes en sécurité, personne ne sait qui vous êtes et tu reprends un peu ta vie en main.
1948 : Tu te questionnes enfin sur qui est Alek. C'est un homme nocturne, qui justifie ça par la sensibilité oculaire, par son talent d'artiste, il dit qu'il est plus créatif la nuit. Les rideaux sont toujours fermés le jour et il vit très mal les périodes estivales. La même année, tu repères des allées et venues que tu n'avais dont tu n'avais pas fait attention jusqu'à présent, de gens dont tu ignores même les noms. Sans le savoir, mener ton enquête sera le premier vrai gros pas vers le retour de ta stabilité mentale.
1949 : Tu as beau l'aimer, lorsque tu découvres qui il est réellement, les premiers mots qui sortent de ta bouche sont : « T'es un gros cinglé ». Venant de ta part, c'est moche. Ceci dit, tu n'es quand même jamais allé jusqu'à boire du sang humain. Alek t'expliquera enfin la situation et tu mettras un sacré bout de temps avant d'avaler la pilule.

Pourtant, tu t'y feras. Comme découvrir un nouveau monde, des nouvelles possibilités. Tu poseras des bonnes questions, comme des plus connes. Cette découverte changera tout de même drastiquement ton existence : l'envie d'en savoir plus et de découvrir ainsi réellement le plaisir de l'étude. Ta mère avait raison à l'époque, tu avais des capacités intellectuelles qui auraient au moins mérité de connaître autre chose que la doctrine hitlérienne.  Alors tu te plonges dans les livres, tu galères souvent, ton anglais n'est toujours pas très bon. Tu te rapproches plus encore de ton compagnon avec qui vous passez le cap d'aller plus loin qu'un baiser. Il t'en aura fallu du temps, peut-être était-ce encore trop tôt ? Mais il avait les mots justes pour te rassurer et arrêter de te faire culpabiliser.

Ce n'est que quelques années plus tard qu'il te transforma. Tu n'avais pourtant rien demandé, mais avide d'en apprendre plus, Alek avait jugé que tu n'aurais pas assez d'une vie pour combler ton désir de savoir. C'était une excuse comme une autre, tu ne t'y opposas pas. Tu étais aussi très curieux de savoir ce qu'il pouvait ressentir et vivre comme être de la nuit. S'il y avait des contraintes, tu voyais aussi au bout une existence infinie et...il t'en faisait cadeau.

1955 : Si son domaine de prédilection est l'hypnose, le tien est la télékinésie. C'est très minime, tu es un jeune vampire, mais les débuts sont là. Autant dire que ça l'éclate de t'aider à te pousser dans tes retranchements.
1960 : Vous faites tous les deux la rencontre d'Angela. Fuyant un mari très violent avec sa fille, Tracy, 3 ans et demi, vous leur offrez un toit. Si cela devait être temporaire, des liens se forment, Angela grille votre relation mais aussi, bien qu'avec effroi, votre nature. Pourtant elle reste compréhensive et la maison devient un foyer inattendu.
1963 : Alek était mitigé, toi, tu ne savais pas trop quoi en penser. Mais voilà quelque temps qu'Angela souhaitait devenir comme vous. Si elle était une femme forte, elle souhaitait plus, ne serait-ce que pour protéger sa fille, son ex-époux toujours dans la nature. Il n'y aura qu'un seul essai. Elle sera enterrée le jour même.
1965 : Le père de Tracy reconnaît l'enfant lors d'une soirée dansante à laquelle tu participes avec elle. Après vous avoir suivi jusqu'à la maison, plus personne n'entendra parler de lui...
1976 : Alek décide de quitter la maison pour en trouver une autre. Depuis le temps que vous êtes ici, même si vous croisez peu de gens, en un aussi grand nombre d'année, il juge qu'il faut déménager. Il décide de partir seul pour ne pas gêner Tracy dans ses études. Vous n'aurez plus de nouvelles d'Alek dans les années qui suivent. Rien dans votre relation menait à ce qu'il coupe les ponts, loin de là. Tu pars du principe qu'il lui est arrivé quelque chose, ayant ressenti "quelque chose" que tu n'arrivais pas à expliquer il y a de ça quelques mois...
1980 : Tracy veut se lancer dans le cinéma. Oh, elle ne veut pas devenir actrice, elle veut devenir maquilleuse. Vous quittez donc l'Ohio pour Los Angeles. Elle est freelance, comme on dit, tu l'as soutien, elle n'a pas besoin d'argent pour vivre puisque vous vivez sur le capital d'Alek qui est...tu n'as jamais su comment, plutôt conséquent. Enfin t'as peut-être ton idée...
1990 : T'en as RAS LE CUL DE LOS ANGELES. Trop de soleil. Et plus assez de thune, on va pas se leurrer, les comptes allaient pas rester comme ça indéfiniment. Tu reprends ton nom d'origine, Markus Rosenthal pour refaire des papiers d'identités (au black) et rouvrir un compte, plus le choix.
1992 : Grâce à ta fille adoptive, tu fais quelques essais derrière la caméra. Comme beaucoup de chose se tourne en studio, t'es plutôt tranquille même si t'es complètement décalé entre ton sommeil jour/nuit.
1994 : Tu décroches un premier rôle dans un film à petit budget. Le film deviendra hyper célèbre et ainsi commencera ta nouvelle carrière ! Tu seras le stéréotype de l'acteur relou avec le staff, mais sympa avec ses fans, parce que hors de question : « Gneu gneuh, t'as les yeux fragiles, tu veux pas tourner la journée, sans lunette de soleil tu peux pas ouvrir les yeux ». Mytho. Bref, tu deviens le BG du monde du cinéma des années 90.

Et les années 2000 se pointent. Tu fêtes les 43 ans de Tracy cette année-là. Toi, t'as déjà arrêté de compter. Tu te souviens de l'avoir encore flattée sur sa beauté naturelle : elle n'était pas immortelle et pourtant sa beauté restait inchangée. Les médias commencent à s'intéresser un peu trop à vous ces derniers temps d'ailleurs, persuadé que vous êtes en couple. La bonne blague. Tracy n'a personne dans sa vie, c'est vrai, elle n'est pas intéressée, bien que tu ais voulu la pousser deux, trois fois vers quelques garçons ou quelques filles...vous en riez, même si tu sais qu'un jour tu la perdras, tu profites de vos moments. De ta mère, à tes sœurs, à Angela et encore Tracy, tu sais que les femmes sont celles qui portent ce monde.

Pourtant, tout basculera. Le virus pointe le bout de son nez. C'est la panique et tu as du mal à comprendre réellement ce qu'il se passe. Pire, c'est impuissant que tu vois Tracy mourir dans tes bras, victime de ce que les hommes appellent Necrosis. Pourquoi est-ce que tu n'es pas touché ? Lorsque l'existence des vampires est annoncée, tu percutes. Tu aurais été vraiment stupide de croire que toi et Alek étaient seuls. Tu rejoindras donc le premier groupe à ta portée afin d'y apporter ton aide. L'Homme meurt, la mort de Tracy te ronge. Il faut agir et vite.

Entre 2001 et 2010 : Tu auras aidé du mieux que tu pouvais, à ta façon. Tu ne touches pas trop à la politique, mais tu te lie d'amitié avec un certain Marc Fournier. Si ça vous amuse de jouer les Marc et Mark, c'est à ses côtés que tu apprends à te faire une place parmi la "haute". Vu que les vampires deviennent les nouveaux dirigeants, ton passé de militaire posé sur le tapis, on te juge apte à en comprendre au minimum les tenants et les aboutissants. Tu regretteras les centres de reproduction mais tu trouveras cependant utile de devoir agir ainsi au vu de la catastrophe.
Entre 2059 et 2104 : Tu passes Maire de Los Angeles. La politique ça te botte bien. Tu transformes ton premier humain pendant cette période, une première expérience forte en émotion. Vous êtes amants, la relation ne dure pas, mais tu apprécies tout de même cette épreuve.
2105 : Tu quittes les Etats-Unis pour rejoindre Marc à Lyon, sa ville natale. Ce n'est qu'un passage, ton ami français a des contacts en Finlande. Est-il sérieux, apprendre “encore” une nouvelle langue ?! C'est ainsi que tu fais la rencontre de Hakon Ragnvaldr.
2218 : Tu demandes la nationalité Finlandaise. Tu te plais vraiment ici. Tu n'as aucune envie de retourner en Allemagne et les USA te laissent quand même un goût amer. La Finlande est vraiment belle et tu t'investis tellement dans le pays que tu décides d'en prendre la nationalité.
2302 : Tu deviens l'assistant d'Hakon, devenu émissaire depuis 2206 pour la FEPS. Tu transformeras un autre humain la même année, ancien combattant d'Arène, dont tu es friand. Aucune relation amoureuse entre vous, mais une amitié profonde. Tu regretteras ce choix des années plus tard lorsque tu apprendras qu'il aidait des humains libres. Toi qui apporte un soutien indéfectible à ton entourage, ce dernier pourra aller mourir en prison que tu ne dépenseras pas un dollar pour l'en faire sortir.

Aujourd'hui. Le temps passe à une vitesse folle. Te voilà au poste d'Émissaire de Finlande et faire le point quelques années, quelques siècles en arrière, te donne le tournis. Ses dernières années n'ont pas été simple pour le FEPS non plus. Si ça te donne le trac ? Advienne que pourra...