C'est simple, ton père a des origines asiatiques mais ayant été adopté par Mr et Mme Jansdr, il a hérité de la nationalité Polonaise. Ta mère, elle, est française, mais est née de deux parents chinois qui ont quitté leur pays pour venir vivre dans un bourg perdu de l'Alsace-Lorraine. Les deux se sont rencontrés, tu n'as en théorie pas besoin de faire un dessin, et paf, quel beau bébé que voilà, tu es arrivé après plusieurs années de relation, 4kg120, petit sumo de ton état, 100 % asiatique mais Polonais d'origine. Si vous n'êtes pas perdu, on tient le bon bout.

Est-ce que tu es bilingue ? Trilingue serait exact vu que tu as du apprendre le danois pour tes jours actuels, mais oui, tu parles le polonais, le français et...on avait dit trilingue, pas quadrilingue, vu que tu parles aussi chinois, mais il faut dire que depuis le temps, tu ne sais plus parler polonais, du coup tu triches un peu, comme si ça pouvait faire joli sur ton CV. Tu l'as fait pendant tes jeunes années, alors que tu sortais à peine de tes études de médecine ! C'était beau sur le papier, mais il faut dire que papa ne t'a jamais forcé à parler sa langue vu que vous avez déménagé pour la France alors que tu avais à peine trois ans. Les grands-parents eux t'ont quand même obligé à apprendre le mandarin...et heureusement que tu as grandi avant les années 1990 parce que l'école ne t'aura au moins pas obligée à apprendre l'anglais. A ton grand damne vu que tu finirais par virer le danois de tes compétences pour la langue de Shakespeare d'ici quelques siècles...

Quoi qu'il en soit, ta famille est fière, tu es médecin. Enfin, tu es dentiste. C'est pas chirurgien spécialisé en maladie cardiovasculaire, mais tu as fait des études, tu as un doctorat et un joli cabinet avec une assistante splendide. Et tu as beau expliquer à papa et maman que la fameuse assistante est déjà mariée, des enfants et un labrador, on t'annonce quand même que ça serait bien de tenter quelque chose : parce qu'elle est mignonne, que tu es toujours célibataire et que les grands-parents attendent des arrière-petits-enfants. Ah et aussi que son mari est un abruti avec une paye de misère mais ça, t'y peux pas grand chose.

Tu exerces en France et si le choix d'avoir un dentiste asiatique ou black dans les années 90 rend encore la populace assez frigide, tu as quand même ta place dans ce petit bourg qui t'a vu grandir. Certes, Mme Beaujardin ne comprend toujours pas pourquoi tu t'es fait tatouer et tu as beau lui expliquer que tu as servi de modèle pour ton meilleur ami qui est devenu tatoueur, délinquant aux yeux de notre petite dame, ça ne rentre pas. Pourtant, tu es bien content, tu aimes bien ton corps ainsi, tu justifies ce choix à tes parents, surtout à ton père, en lui montrant sa bedaine et mimant avec une voix grave un : « Comme ça quand j'aurais ton âge, quelque chose cachera la misère, ahahah » ça détends au moins l'atmosphère.

Heureusement que ton boulot reste le centre d'attention dans ta famille et les tatouages avec tes patients. Parce que à côté de ça, ta relation amoureuse rajouterait une couche supplémentaire à ton originalité plus ou moins mal perçue. Tu n'es pas gay, parce que tu aimes aussi les femmes, mais tu vois un homme, dans le secret. Il te rend dingue, c'est que des coups d'un soir, ci et là...et pourtant vous restez souvent parler sur l'oreiller une fois le moment passé. Et de fil en aiguille, confidence pour confidence, des liens se font, c'est humain. Quelque chose cloche malgré tout. Parce que ce type est instable, un coup c'est oui, l'autre non, il te donne toujours des horaires spécifiques, à croire qu'il cache une épouse et des gamins ? Tu as pourtant envie de sérieux avec lui. Mais rien, que du vent. Les promesses deviennent des mensonges...et puis un jour, ton monde s'écroule.

Les informations que l'on vous offre à la télévision et à la radio, tout est surréaliste. Un virus ? Tu as toujours des contacts avec des anciens élèves de la faculté de médecine et les débats vont bon train. Plus rapide que n'importe quelle autre maladie connue, la France n'est pas épargnée. Se protéger relève du challenge. Tu vois tes grands-parents mourir, tes parents lutter et sombrer à leur tour. Tu ne peux même pas les voir, tu es cloitré chez toi, c'était un ordre de leur part : en aucun cas, tu n'entres en contact, on ne sait pas d'où ça provient. Et puis il y a cette nouvelle, complètement stupide aux infos. Des vampires ? Et puis quoi encore, des lutins et des elfes ?! Dans ta petite bourgade, tout le monde s'en cogne, le plus important c'est d'enterrer les morts, malgré tout, sa présence va changer ta vision du monde en un rien de temps...

« Mec, tes...tes...c'est des conneries, tu me fais marcher hein ? Tu sais, s'pas parce que je suis dentiste que tu peux me berner avec de tels attributs ! »

Ses canines, évidemment. Et pourtant. Il t'explique, enfin il tente, car tu as du mal à rationaliser. Il te propose même d'aller à ton cabinet pour que tu l'anesthésies et que tu les lui retires, pour te prouver que c'est la réalité. Tu finis par percuter au bout de plusieurs jours, volés fermés. Tu en pleures. Tu en trembles. Quelles étaient tes chances ? Tes chances pour que tu tombes amoureux d'un type aux dents longues ? Heureusement que tu ne repenses pas au message dans ce biscuit chinois du nouvel an « Mordre son prochain est mauvais pour les relations » où tu y aurais vu toute l'ironie de l'humanité.

Et enfin, le déni te quitte. c'est dur d'encaisser. Tu te sens faible, fragile...qui es-tu sur terre en sachant que ce que l'on défini comme "vampires", créatures de folklore à la mords-moi-le-nœud, existent ? L'homme que tu aimes est un monstre, mais un monstre qui a des sentiments à ton égard. Et tu en as aussi, quoi que t'en dise. Hugues De Eppler est son nom et malgré que tu étais complètement retourné avec ce qu'il t'apprenait, que tu l'avais même insulté, que tu avais pu hurler ta peur, ta haine, ton désespoir, il ne t'avait pas laissé. Plus encore, il avait fini par te faire une proposition une fois que tu avais pu reprendre tes esprits et rester calme ; dans la mesure du possible. Cela avait pris des semaines mais ce n'est pas la question.

« Me...transformer ? Pourquoi ? Je risque quoi ? »

La vérité tombe. Hugues n'était pas l'un des premiers vampires existant sur terre, ça tu le savais, juste en regardant les infos, il n'était pas seul, mais justement, il était lié à d'autres. La domination du monde te fait rire, tu le vois comme ça en tout cas. Laisser les vampires prendre le pouvoir, parce qu'ils sont plus forts, que le virus décime la population, parce qu'il faut prendre des devants que tu comprends malgré tout : plus d'être humains, plus de vampires. Des êtres surnaturels qui ont vécu caché pendant des années...Mais t'as quoi à y gagner ? Dans les deux cas, tu devras te battre : en tant qu'humain, pour ta survie, pour ne pas te faire bouffer par un vampire ; en tant que vampire, survivre, ne pas te faire attaquer par un humain armé, par le soleil, devoir te nourrir d'une manière ou d'une autre...

Tu mets des mois à choisir. Hugues ne reste pas toujours, mais tu obéis sagement quand il te dit que tu ne dois en aucun cas sortir de chez toi. Il ne veut pas te perdre. Ses mots font sens. Il tient à toi. Et puis avec les infos, tu finis par comprendre que plus qu'une pseudo fin du monde, criée à l'Américaine par un fou furieux habillé en Jésus avec sa pancarte dans les rues, c'est l'avenir que ton aimé t'offre. Alors une nuit, alors qu'Hugues revenait de tu-ne-sais-quelle-ville, tu finis par accepter. Voir sa satisfaction mais aussi sa détresse dans son regard te fait comprendre que ce n'était peut-être pas la meilleure idée du siècle en fin de compte. Parce que Hugues devient dès lors muet. Il t'offre son sang, que tu rechignes en premier lieu avant de...

Le néant. Tu te souviens juste que ça a fait terriblement mal. Etait-ce son sang que tu avais craché sur la moquette des années 60 de ton appartement de fortune ? Ou le tien ? Tout ce que tu sais, c'est qu'à ton réveil, tu avais l'impression d'être complètement ankylosé. Ce fut le début...non, tu ne pouvais pas dire le début de la fin, mais t'étais quand même pas loin d'y penser pendant tes premières années. Boire du sang, ce n'était pas naturel, plus encore quand ton corps pouvait toujours manger des choses comme des fruits ou des légumes. Et plus que vivre avec l'idée d'être dorénavant immortel, il fallait faire face à un autre mal qui te rongeait : le psychique. Tu étais un homme bien après tout, alors devoir fermer les yeux sur ce qu'il se passait dehors ? Certes, tu n'avais plus rien à perdre, ta famille était morte par le virus, mais tu avais prêté serment d'Hippocrate. Hugues avait alors trouvé une solution, pour toi, comme pour vos semblables.

« Tu me demandes...d'occulter des humains ? Pour s'assurer qu'il n'y a pas de risque infectieux ? Pour ensuite les mettre en cage ? Tu te fous de moi. »

Tu n'étais pas médecin généraliste, mais un médecin ne pouvait clairement pas gérer les extractions et les soins dentaires, contrairement à toi. Et si l'idée de parquer les humains ne te laissait pas indifférent, tu pouvais aussi comprendre que vu comment le monde tournait, tu pouvais bien rendre un tel service. L'humain mourrait, il fallait faire en sorte qu'ils survivent. Et il fallait qu'ils aillent bien, de A à Z, pour permettre aux vampires et maintenant à toi, de rester bien portant également.

Au moins cela te permit de revoir du monde. Hugues t'avait enfermé dans une sorte de cage dorée pour te préserver et te laisser le temps d'assimiler. Pour t'apprendre, te faire comprendre. C'était choses faites, il fallait que tu mettes la main à la pâte dorénavant. Et c'est ainsi que ton œuvre débuta. Et les années passant, ta curiosité prit le dessus. Quelques vampires avaient créés des hybrides ? Tu voulais voir. Tu voulais observer et monter des dossiers sur leur anatomie dentaire. En soit, des dents restaient des dents, mais chez certains individus, en dehors des vampires, cela pouvait-il repousser ? Il fallait savoir pour mieux traiter, aider, et concevoir. Et avec Hugues a tes côtés, le départ pour Copenhague fut une évidence. Ils étaient plus en avance qu'en France à ton plus grand damne.

C'est ainsi que tu appris à pousser un peu plus tes "pouvoirs" ; ce mot te restait toujours en travers de la gorge ; de télépathie. Apprendre une nouvelle langue en plus de travailler auprès de gens avec qui tu devais te débattre pour te faire comprendre était épuisant. Communiquer avec Hugues de la sorte te permettait de te sentir moins seul mais aussi plus serein. Bien évidemment, ce fut aussi ce qui marqua le début de la fin avec le concerné. Vous aviez beau être terriblement proche, de vous aimer...tu savais que l'amour ne pouvait pas être éternel. Plus encore quand l'immortalité se présentait à vous. Tu n'étais pas le premier pour qui il s'entichait. Tu ne serais pas le dernier. Tu l'avais compris et accepté pour le garder à tes côtés. Te plongeant de toute manière dans ton travail, tu avais laissé les années faire le reste. Jusqu'à ce qu'il y a encore peu, tu ne cesses d'éprouver le moindre sentiment amoureux.

Tu voyais alors le bon côté des choses en refaisant le point sur ton existence : quelles étaient tes chances d'être encore vivant jusqu'à maintenant ? Elles étaient proches de zéro. Tu lui devais tout. Sa protection et son amour. Alors même si ce n'était plus réciproque, c'était quand même grâce à lui que tu avais pu découvrir autant, monter des dossiers pour l'armée sur la partie maxillo-faciale, satisfaire ta propre curiosité...Aujourd'hui, tu pouvais te targuer d'avoir participé au commencement de tout, mais surtout, de pouvoir de nouveau pratiquer dans le privée. Aujourd'hui tu travailles pour des vampires qui veulent que leurs esclaves soient soignés avec attention mais aussi pour ceux qui souhaitent rendre l'atout le plus précieux de votre race plus beau, plus solide, plus résistant. Les dents sont un art. Il faut en prendre soin, même si chez le vampire, comme le reste du corps, cela se régénère, il faut savoir en jouer et éviter le pire. De plus, personne ne dit non à un strass pour les mettre en valeur, tu le sais.

Alors, qui souhaite prendre rendez-vous ?