Stella Cinis
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Une vaste pandémie frappe l’humanité au cours de l’an 2000. Fléau divin, raté biologique ou simple régulation naturelle, l’origine du virus “Necrosis” est inconnue. Plus virulant que la peste bubonique, Necrosis tue en quelques jours ses hôtes, à grands renforts de fièvres, de vomissements et de nécroses des tissus sensibles (muqueuses) ainsi que de plaies. En quelques mois, la population mondiale chute de plus de moitié, ouvrant une immense brèche pour la race vampire, demeurée jusqu’alors tapie dans l’ombre.
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3 participants
Dragomir Madalina
Messages : 180
Métier : Sans Domicile Fixe
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Dragomir Madalina
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Dragomir Madalina
Prénom : Dragomir
Nom : Madalina
Surnom : "Lui là", "Le type en noir", "Ce gars", "Le mec flippant"
Âge : 585 ans
Âge apparent : 49 ans (mordu en 1967)
Date de naissance : Probablement octobre 1918
Taille : 1.89 m
Nationalité : Allemande (d'origine roumaine)
Orientation : Jusqu'ici hétérosexuel
Métier : Aucun. SDF
Autre : Schizophrène dit "simple". La maladie s'est déclenchée à la suite d'un long isolement forcé. Dragomir a été suivi pendant des décennies dans un centre hospitalier spécialisé mais s'en est évadé. Depuis lors il n'a plus de traitement fixe, encore moins de travail ou de logement lui permettant de payer celui-ci. Au quotidien, sa maladie est très handicapante, même si hors des périodes de crise, il peut être tout à fait "agréable" de le côtoyer.
A toujours des livres rongés jusqu'à la reliure sur lui et il est capable d'en débiter et d'en lire des paragraphes entiers pour forcer son esprit à se concentrer et désamorcer les hallucinations les moins fortes.
Ne supporte pas la lumière artificielle mais adore les feux de cheminée.
Incapable d'empathie ou de tenir une conversation durable malgré ses progrès.
Origines de l'avatar : Alucard by Solid & ETC

Je ne peux pas parler pour les autres, mais je sais surtout ce que c'est que d'être esclave de soi-même.

Description mentale



Les souffrances du jeune Werther de Johann Wolfgang von Goethe
Fin de partie de Samuel Beckett
L’Enfer de Dante Alighieri
Shadow over Innsmouth de Howard Philips Lovecraft
Ode au vent d’Ouest, Adonaïs et autres poèmes de Percy Bysshe Shelley

Une collection somme toute ridiculement petite que Dragomir trimballe dans son sac, mais qui a le mérite de couvrir à la fois théâtre, roman et poésie. Les mots sont pour lui une thérapie, comme le docteur Beckett – pas l’auteur celui-là – avait déjà pu le remarquer au centre. Dragomir ne lit pas essentiellement pour la beauté des textes, plutôt pour concentrer son esprit sur des choses concrètes et dévier un peu la trajectoire de ses crises. Jusqu’ici et par manque de moyens pour payer son traitement - et d'envie probablement - c’est son seul recours. Et ses livres sont comme ses enfants, aussi usés que lui, jusqu’à la reliure et l'os.

Depuis l’époque où il était dans la résistance en Roumanie, il a bien changé mais l’homme qu’il était subsiste par touches ponctuelles qu’il est difficile de percevoir quand on ne l’a pas connu avant. Si un calme gênant émane de sa personne, ne pas s’y fier, en lui tout tourbillonne, et s’aventurer à vouloir le dépouiller du presque rien qu’il possède risquerait de réveiller la violence qu’il a toujours eue en lui et qui lui a valu de massacrer son père. Se méfier de l’eau qui dort. Le proverbe lui sied à merveille. Pourtant, en-dehors d’un cas de légitime défense, il est inoffensif, préoccupé par des considérations très terre à terre pour mettre son esprit malade à l’abri des sollicitations extérieures.

Dragomir n’est pas du tout connecté au monde moderne. Il sait dans les grandes lignes, pour l’esclavage, pour Nécrosis, pour l’évolution technique et technologique et la reconfiguration politique du monde, cependant ce sont des choses vagues pour lui, à des années-lumière de causer du souci à son existence d’escargot.

Tout ce qui avait trait à sa foi a quasiment disparu, du moins n’accorde-t-il plus aucune importance aux symboles et aux idéologies. Des prières lui restent en mémoire, quelques rituels que Catalina aimait mener à bien, des mots de sa mère. Il conserve son crucifix autour du cou par nécessité de préserver un lien concret avec cette époque qui était heureuse pour lui. D’ailleurs, il n’est pas rare de le voir rôder ou entrer dans les églises qui ont son affection. Grandes, sombres et silencieuses – car guère fréquentées de nos jours – il s’y repose parfois discrètement, ou s’y abrite quand il pleut. Le droit d’asile est immortel lui aussi.

Il n’accorde pas facilement sa confiance dans la mesure où il est persuadé que la seule issue pour lui est de vivre en retrait, il ne veut « embêter » personne avec sa pathologie, et s’il a pu améliorer sa capacité à communiquer verbalement et averbalement – depuis le diagnostique du docteur Beckett – encore faut-il lui laisser la possibilité de le faire, et prendre le temps avec lui. Beaucoup de temps.



Description physique



Une odeur de vieux cumin annonce toujours son arrivée, où que ce soit. Vieux cumin, vieux vêtements. Il en récupère de temps en temps dans les poubelles des magasins, et parfois un don contribue à l’habiller avec le minimum de dignité dû à sa très ancienne personne. Son ensemble noir, du temps où il avait retrouvé Adalbéron, a bien sûr succombé au temps, comme son porteur aurait dû succomber. La couleur de Dragomir ne peut être autre : noir. Ou gris. Il accepte le bleu très sombre si le besoin se fait sentir, les chaussures marrons parce qu’il ne va pas chipoter non plus, mais se sent mieux dans le noir qui le fait passer inaperçu et brouille son contour.

Noirs aussi ses cheveux – et longs, trèèèèès longs - qui n’ont que rarement connu les ciseaux. La brosse est un luxe qu’il ne peut pas vraiment se payer, aussi il les attache en une queue de cheval basse, et les lâche dès qu’il pleut pour les laver au mieux, ou bien se met la tête dans une fontaine – la mer dans le pire des cas.

Le visage est pâle, émacié, constitué de lignes qui ont été tranchantes et sont aujourd’hui émoussées à force de vent, de pluie, de froid, usées aussi au gré des échos intérieurs. On pourrait penser que les yeux ressortent sur ce tableau de neige de fin de saison, mais ce n’est pas le cas. Ils sont noirs eux aussi, avec quelques reflets sanguins (vestiges d’une époque où ses sclères étaient injectées de sang à cause du manque) profondément incrustés dans leurs orbites et cernés. On pourrait penser qu’il est maquillé, ou juste sale, mais il est toujours le plus propre possible sur lui. Le menton et les joues sont mangés de barbe faute de mieux, bien que jadis il ait été glabre avec de jolies rouflaquettes.

Dragomir est grand mais surtout maigre ce qui accentue sa silhouette dont les épaules sont légèrement rentrées vers l’avant, et ses mains comme des araignées blanches n’aident pas à le rendre avenant. Peut-être bien qu’il n’a pas du tout envie de l’être, peut-être qu’il souhaite justement qu’on se fie à son apparence et que chacun tire des conclusions à sa guise afin de ne jamais entamer de discussion avec lui…Ou alors le minimum syndical entre deux êtres de cette planète.



Histoire




1937 (19 ans)
La seule erreur de Mihai, dans une vie qu’il n’a même pas souhaitée, c’est d’être Juif. Ce n’est pas l’époque, ce n’est pas le monde. De l’être, passe encore, mais avoir parlé en yiddish devant la boulangerie n’a pas du tout aidé son sort. J’aurais voulu lui dire d’être prudent, de faire attention comme ma famille le fait depuis des années. Personne ne sait qu’on est des marranes* parce que tous les matins, ma mère nous parle du Pape et que « Seigneur, dans le silence de ce jour naissant, je viens te demander la paix, la sagesse et la force. Je veux regarder aujourd’hui le monde avec des yeux remplis d’amour ; être patient… ». Tous les matins. Comme si c’était possible d’oublier sa foi. Mihai aurait dû l’oublier, au moins momentanément. Ça n’aurait pas suffi de toute façon, mais ça aurait adouci la chose. En ce moment, ça grouille d’Einsatzgruppen* partout dans la région. On ne sait pas combien de temps ils vont rester, mais ils se font un plaisir de faire disparaître les gens sans que le soupçon de leur culpabilité ne les ait effleurés. Par plaisir d’exécuter les ordres, et d’exécuter les gens. Le plaisir d’incendier et de tuer dans un pur no man’s land de pensées.
Mihai me regarde. Ils le montent dans l’auto avec sa mère. On ne se reverra jamais. Il est mort pour moi, pour que je ne sois pas pris. C’est comme ça. J’aurais pu mourir pour lui aussi. Je sais précisément ce que coûte une vie, au gramme près. Ça pèse du plomb dans la tête, là, juste derrière les yeux, comme une migraine en continu assez diffuse pour passer inaperçu.
C’est le poids de mon père dans ma tête. Cette masse est arrivée quand je l’ai tué et elle ne partira probablement jamais. C’est bien de se souvenir, de ne pas oublier, même ce qui nous a blessé, même ceux qui nous ont blessés. Il vaut mieux qu’il soit là où il est, mon père, c’est-à-dire nulle part, et que jamais Hachem* ne le ressuscite ; ou je devrais le tuer encore.


1941 (23 ans)
« Le Paradis et l’Enfer sont deux lieux qui en réalité sont identiques : c’est la Terre sur laquelle on vit. »
La ville est pavée de drôles de mitzvah*, les miennes me brûlent les mains. Ou bien est-ce le fer du fusil que je viens de décharger sur les hommes de Trestioreanu. Ils gisent, et plus personne n’est capable de distinguer les cadavres des résistants tombés de celui des fusillés de celui des soldats de la Garde de fer. S’il y a des survivants, ils se sont évaporés dans les flammes, dans l’essence, ils ont fondu et se sont fondus dans cette terre dont la couleur n’évoque rien de terrestre. Sur mon visage, sur mes mains, c’est chaud, les gerbes de sang je crois. Comme une caresse maladroitement visée. J’ai l’avantage de rester calme après le meurtre. J’aurais juste aimé qu’il y ait quelqu’un pour murmurer un « merci » parce que ça fait tout de même beaucoup d’âmes livrées au néant. C’est une grosse offrande.
Sans que je sache comment il arrive là, je mords mon crucifix malgré la chaîne très courte, et je récite sereinement, debout sur le champ de bataille.

- Chesed (gentillesse). Gevurah (sévérité). Tiferet (harmonie). Netzach (persévérance)…

Les piliers de l’étoile de David. Quand une minuscule main s’agrippe à ma cheville. Je rouvre les yeux et dévisage la fille qui se relève en me prenant pour une corde.

- Je vous en prie…

Elle est exquise, ravagée et elle pleure, elle pleure sur mon bras, dans mes bras, et je la couvre de sang comme si nous étions de jeunes époux.

- Je vous en prie, ils sont tous morts, aidez-moi…

Est-ce que je vais devenir trop orgueilleux à vouloir encore gonfler mon mitzvah ? Est-ce qu’Adonaï* a placé cette femme sur ma route pour que je la chérisse et la protège ? Sa douceur fragile nous conduit à couvert avant que la milice n’arrive. Au loin dans mes oreilles bourdonnent les bruits du fiasco, et comme aucun de mes compagnons ne revient, je reste avec la fille. J’essuie ses larmes. Elle voit mon crucifix et ne dit rien. Elle me demande si elle peut le baiser et je ne dis rien, rien à part ceci :

- Ikh viln tsu khsunh ir
. (Je veux t’épouser)


1945 (27 ans)
Quand le pays a rejoint les Alliés, ça n’a pas tout résolu, et ça n’a pas protégé ma famille. Moi seul le pouvais. Catalina n’a pas voulu que nous restions à Odessa, elle est allée accoucher à la campagne et je l’ai rejointe dès que j’ai pu mettre en ordre mes affaires avec le SMR (Service Maritime Roumain). C’était avant que les Russes ne mettent leur nez là-dedans et que le communisme explose. Je lui avais promis que je reviendrai avec de nouveaux papiers. Ma mère était morte, Catalina était orpheline depuis longtemps, il n’y avait plus que nous et notre fils que nous avions nommé Mihai, en l’honneur d’un jeune homme sans importance pour le monde mais très important pour moi.

- Il n’y aura bientôt plus un seul Juif sur ces terres.

Et traverser l’Europe vers l’est n’était sans doute pas l’idée du siècle, néanmoins j’avais de la famille en France, immigrée d’Espagne à la fin du XIXème siècle. Je leur avais écrit ; ils nous accueilleraient de leur mieux si nous arrivions jusqu’à eux. Mais la capitulation allemande est signée, le pays retourne dans ses frontières, même si pour le coup, c’est derrière nous que le grand drapeau rouge grappille du terrain et que le danger rôde.
En six mois, nous gagnons les Alpes françaises, et comme nous arrivons pour, Shabbat nous nous reposons, ainsi qu’il est dit.


1960  (42 ans)
Catalina n’avait jamais mangé ni la peau ni les grains de raisins, et j’avais toujours été silencieusement amusé de cette manie qu’elle puisait des tréfonds de nos croyances. Elle gardait toujours une part de repas en plus dans le cas de la venue d’un pèlerin ou d’un étranger, et chaque matin de l’encens brûlait dans la maison. Cette odeur faisait partie d’elle, comme un code subtil dans l’air que mon esprit associait immédiatement à sa personne. Sa signature. Mieux, son aura. Il lui était impossible d’accepter de la viande d’une bête que nous n’avions pas élevée et abattue nous-mêmes, et elle avait tenu à circoncire Mihai, comme je l’avais été, au huitième jour après sa naissance.
Faute de synagogue, faute de cimetière juif et parce qu’elle était aimée et respectée au village, la paroisse avait accepté de lui faire une petite place autour de la chapelle, dans la prairie au milieu des chrétiens.

- C’est une bonne place.

Avais-je dit.

- Elle aura la part belle d’ombre comme de soleil chaque jour.

Mihai avait été extrêmement affecté de ne pas pouvoir toucher sa mère hormis pour lui clore les yeux et la bouche, bien que nous l’ayons élevé dans une certaine liberté spirituelle, refusant de le contraindre à nous suivre. Il avait simplement été baptisé, par « sécurité ». Après une sobre cérémonie où mon âme avait été indubitablement entamée par l’absence de celle que j’avais aimée depuis Odessa et les cadavres, nous étions restés, Mihai et moi, et avions déposé des fleurs de bruyère, du houx et des épiaires sur la tombe. Ensemble, nous avions ressassé les moments mémorables et moins mémorables de ces dernières années au gré du lent déclin de Catalina, atteinte d’un cancer. On m’avait reproché mon grand et éternel calme quant à sa disparition, et on s’était indigné que je ne sois pas en colère comme pouvait l’être mon fils. Mais depuis mon plus jeune âge j’avais vu les gens mourir autour de moi, et aucune attitude rebelle et révoltée n’avait jamais ramené quiconque sur Terre. Ne fallait-il pas se résigner très tôt dans la vie pour se concentrer sur ce qui était, sur ce que l’on avait, et pas sur ce qui était perdu ou sur ce que l’on n’aurait jamais ? C’était sans doute ma part très chrétienne qui me dictait d’agir ainsi. Ou bien dictais-je à ma part très chrétienne de me servir de prétexte dans une situation où la seule chose que je ressentais était le vide. Faire feu de tout bois et me forger une spiritualité hybride avait débuté peu après la perte de Catalina. Il n’avait plus été question de telle ou telle prière, de rituels ancestraux ; les tefillah* et les te deum avaient communié, fusionné pour ne plus former qu’une piété hédoniste et poétique, et ça n’allait pas s’arrêter là.


1967 (49 ans)
« Garde-toi bien d’entrer en contact avec les morts. »
Sans doute les auteurs du Deutéronome n’avaient jamais eu affaire à un vrai démon mi-mort mi-vivant, ou plutôt vivant et mort en même temps. La fatigue, une myopie sévère à force de refuser de porter des lunettes et de défier le soleil, et un début de goutte m’obligeaient à réduire le travail et j’avais commencé à boire le soir pour m’endormir lourdement et éviter les crises nocturnes, dans la mesure du possible. Vaines prières égoïstes pour apaiser mes souffrances, aucun Dieu ne prit soin de moi comme j’avais pris soin de Catalina, et Mihai étant en voyage de noces, j’étais bel et bien seul quand le voyageur se présenta à la porte. Il ne pleuvait pas, pas plus qu’il n’y avait d’orage, mais l’automne était avancé et si frais que les feuilles frissonnaient comme des doigts effrayés. Le ciel était d’un bleu dur et l’herbe était trempée de la rosée du soir lorsqu’il s’est présenté. Je ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam, comme bon nombre d’étrangers nourris à notre table depuis des années, et ne l’avais pas plus questionné que ses prédécesseurs, en bon hôte. Cependant quand il avait commencé à parler, ses propos étaient incohérents, troubles, il s’exprimait dans un français très ancien et alambiqué, presque mystique, du moins c’était l’impression que j’avais eue. Il avait refusé de se départir de sa grande cape de voyage et j’avais compris peu de temps après pourquoi en découvrant ses mains diaphanes et son teint hâve, au point que toutes ses veines apparaissaient. Une toile bien étrange. La dernière chose qu’il avait dite avant de jeter sur moi son terrible dévolu était un : « J’ai si faim… ! » qui m’avait glacé de la tête aux pieds. Et la Mort me prit, et j’aimai la Mort.


« …Que Ton Règne vienne,
Que ta volonté soit faite…
Car c’est à Toi qu’appartiennent :
Le Règne, la Puissance et la Gloire,
Pour les siècles des siècles.
Amen. »


2000 (82 ans)
Sur ma tombe, je regarde en arrière le monde se déchirer avec la certitude qu’aucune entité dans aucun ciel et aucun cœur ne peut se réjouir d’un tel fléau, ni l’avoir déclenché. Plus que jamais depuis que j’avais obtenu le Don Obscur, la douleur derrière mes yeux était présente. Le meurtre de mon père qui battait ma mère et avait tué ma petite sœur de rage, le meurtre des nazis et des soldats de la Garde de fer à Odessa, la mort de ma mère, de Catalina puis ma propre mort et l’abandon de mon fils... Et je compris alors que c’était cette omniprésence de la Mort qui m’avait guidé depuis toutes ces années. Dans ma foi complexe, dans mes choix, au plus profond de moi, une peur dont j’étais fatalement guéri. Epargné, Adalbéron mon Père m’avait épargné et avait mis en pause mes inquiétudes, mes angoisses, mais aussi mes désirs et mes aspirations. Le vide en moi avait irrémédiablement grandi et commençait à me ronger avec l’assurance du ver solitaire dans la pomme.
J’étais dans la délivrance et la déchéance, tout à la fois, entièrement dépossédé de moi-même. Et dix ans de pur chaos ne furent pas assez pour boire assez de sang, bien que les agneaux sacrifiés soient foule.

« Ô douce et généreuse victime,
béni soit le Sang que vous avez versé pour nous,
versé sur nous, versé en nous ! »



2100 (182 ans)
Qu’est-ce que cent ans ? Qui peut répondre ? Un seul immortel a-t-il jamais essayé de dompter réellement le Temps ? Car j’ai le sentiment profond de ne faire que lutter contre lui…et j’ai toujours peur de la Mort. Une peur qui pourrait bien me pousser à la provoquer, cette fois pour de bon…et finir dans l’indigne lignée des excommuniés ayant cédé au sacrifice de soi.


Temps incertain…
Incapable de surmonter les tourments m’environnant et émanant de ma propre intériorité, désireux d’achever mon abominable et insensée errance, j’avais choisi de m’exiler. Ermitage, hibernation, reclusoir, tant de noms pour désigner la programmation d’une lente agonie qui me mènerait au trépas. Rien ne me retenait, tout m’avait été ôté. Déraciné. Plus rien. Zéro. Le néant me guettait pour m’avaler. A cette époque, la fin m’apparaissait une résolution douce et apaisante, et j’étais trop lâche pour approcher le terme par un coup fatal. Commença alors ma catabase. Comme les recluses du Moyen-Age, j’avais pour « caveau » une ruine allemande – je crois que j’étais bien en Allemagne à cette période – dans une forêt escarpée, à laquelle aucun chemin dessiné ne conduisait et qui était si exposée aux vents qu’il fallait être fou et désespéré pour s’y rendre ; encore fallait-il connaître l’existence du lieu. Le corps avait vite perdu force et maintien, la faute à une alimentation réduite à l’extrême minimum, soit des rats, quelques oiseaux de passage, voire même des chauves-souris que je suçotais pendant des jours. Je ne voulais plus rien si ce n’était être la bête qui était devenue la seule représentation que j’avais de moi, et comme une traînée de poudreuse sur le flanc d’une route soufflée par le vent, m’évanouir.
L’esprit avait ensuite rejoint le corps au fil des années, se délitant nettement plus lentement, pierre par pierre ; tout ce que j’avais bâti, je le détruisais. Cela allait de la conception des sentiments au simple fait d’éprouver de l’intérêt et de la curiosité pour le monde. Un monde de plus en plus petit, de plus en plus maigre et froid. Et c’était dans ce minuscule noyau noir et étroit où le fin fond de moi subsistait qu’il était apparu. Il ne disait que quelques mots au début, balbutiant des jurons qui crépitaient faiblement, puis ça avait été des sifflements, des respirations irrégulières et désordonnées ponctuées d’injonctions sauvages.
Parfois il parlait pendant des jours, des semaines, d’autres fois se taisaient autant de temps. Je n’ai jamais su le dire précisément car lorsqu’il est je perds définitivement la notion du temps et de ce qui m’entoure. Est-ce que je l’ai créé ? Est-ce qu’il est moi ? La voix de ma conscience brisée ?...

Schizophrénie et asile:


2250 (332 ans)
Rapport du docteur Anthony Beckett :
Il est parti et c’est une catastrophe. Tout était prêt pour l’arrivée d’un tuteur, tout était prêt pour… et le voilà disparu dans la nature. Je ne crois pas à une faille de la sécurité de l’hôpital, mais bien en son étonnante inventivité pour éviter tout ce qui concerne la reprise d’une vie normale. Nous n’avons pas pu tout soigner, bien évidemment, il y a des choses sur lesquelles il doit lui-même travailler…Dès que ça s’est concrétisé autour de lui, il est redevenu très agité, effrayé… et pour le soulager, j’avais entrepris des recherches sur sa famille, dans l’espoir qu’il lui en reste une quelque part. Quand il parlait, le nom de Mihai revenait. Son fils. De contacts en contacts, je suis remonté jusqu’à leur village en Savoie et au bout de plusieurs mois d’enquête, faisant marcher de vieilles connaissances, pour finalement tomber sur un certificat de décès. Mais dans ce monde, bon nombre d’hommes avaient été vampirisés au cours des années 2000, et mon espoir était plus courageux que ce papier qui aurait pu être falsifié par n’importe qui.
Et ce que j’ai trouvé aurait pu tout changer, si Madalina ne s’était pas évaporé dans la Nature, si j’avais eu le temps de le trouver dans sa chambre, le jardin ou la bibliothèque pour lui dire que Mihai Madalina, son fils, était bel et bien vivant. Et immortel.


2300 (382 ans)
Le hasard ou la Providence – qu’importe, ça ne change rien aux faits – ont fait qu’après mon « évasion » de l’asile, j’ai retrouvé Adalbéron, et que face à ma détresse, il a daigné reconnaître qu’il m’avait abandonné à mon sort (et ça m’arrangeait sérieusement de penser ainsi à l’époque) pour mieux m’héberger. Son âge fort fort avancé l’avait rendu inapte à vivre en société, et en cela j’avais trouvé un certain confort tranquille à vivre dans le grenier qui lui servait de maison. Assez d’obscurité, juste une petite fenêtre pour regarder le ciel les nuits où il était infiniment profond et sombre. Aucune visite, de maigres repas, de maigres échanges ; nous nous ressemblions plus que je ne l’avais cru. Taiseux, il s’était toutefois montré très conciliant, plein d’adaptabilité et patient face à ma maladie, et m’épargnait de nombreuses souffrances tout en volant des livres pour m’occuper pendant qu’il partait gagner un peu d’argent. Je n’ai jamais su ce qu’il faisait, je veux dire comme travail, ce n’était d’ailleurs peut-être pas un travail, mais c’était assez pour subsister dans un équilibre précaire. J’aurais aimé faire des démarches pour être reconnu comme travailleur handicapé afin de ne pas vivre avec cette culpabilité qui donnait à ma voix du grain à moudre en plus de tout le reste, mais le regard des autres me paraissait alors insurmontable. Tout juste étais-je capable de stagner et d’être une ébauche de ce que j’avais été ou…de ce que j’aurais pu être.


A nouveau, temps incertain…
Adalbéron avait encore pris la poudre d’escampette, mais cette fois je savais pourquoi car des miliciens étaient venus au grenier pour le chercher et ils ne l’avaient pas trouvé. Moi non plus d’ailleurs, car grâce à l’opération du Saint-Esprit – ou en conséquence d’une crise qui m’avait tiré du lit et conduit à me calmer sous un arbre au-dehors – j’étais sorti. Peu d’affaires, mes livres, mon crucifix, un vieil ensemble noir grisonnant. Il était temps de partir. Mon désir de mourir était bel et bien passé, pas complètement annihilé mais suffisamment dompté pour ne plus être le handicap qui m’avait poussé sous la terre et avait fait naître ma maladie, et je crois que j’étais véritablement prêt, après tout ce temps à l’arrêt, à faire quelques pas pour débuter enfin cette vie qui m’avait été donnée un soir dans ma montagne. Je m’étais soudain souvenu du goût du whisky, et j’avais pleuré face à une foule de souvenirs qui avaient surgi sans que la voix ne les brouille. Une des rares fois où j’avais pu contempler mon passé avec une telle netteté, sans avoir l’impression de regarder des photos les mains dans l’eau. Tout n’était pas rose, et même rien ne l’était, mais l’air dans mes poumons paraissait moins sec, moins…malade.

Schizophrénie:


D’après un journal trouvé dans une poubelle : 28 octobre 2464 (546 ans)
Je crois que c’est mon anniversaire. L’intuition d’une chose que je n’ai pas fêtée depuis…je ne sais même plus. Avec qui l’aurais-je seulement fêté ? Adalbéron écroué pour les prochains siècles ? Mon pitoyable reflet de mort-vivant ?
Je ne ressens aucune peine ou nostalgie, juste une minuscule esquisse de fierté à être toujours là, à avoir fait du chemin même si certains diront que mon chemin s’est arrêté il y a longtemps. Désargenté depuis aussi loin que je m’en souvienne, sans papiers dans une ville immense où les regards sont lourds – on finit tout de même par faire abstraction… pour survivre – et les nuits autant que les journées très longues, je traîne mes guêtres. La plupart du temps le ventre vide et l’esprit préoccupé par la nécessité constante de trouver un abri, d’être loin de la lumière du soleil ou des éclairages publics. De temps en temps, j’attire la curiosité ou l’empathie, on me propose un repas – c’est aussi comme ça que j’ai connu le Secours Vampirique – une poche de sang, voire de passer la nuit au chaud. En-dehors du SV, les institutions qui s’occupent des vampires à la rue sont rares. Et dans le fond je préfère qu’on ne me remarque pas où je risquerais de finir à nouveau en asile. Tant que je n’en parle pas, ma maladie…reste invisible, n’est-ce pas ? Des comme moi, des SDF, il y en a. Je ne suis pas tout seul à Copenhague, je ne l’étais pas non plus à Nuremberg, à Berlin et ailleurs. J’évite les autres, naturellement ils m’évitent aussi, comme s’ils comprenaient. La violence dont ils peuvent être capables me pousse à rester bien à l’écart. Certains sont incapables de se maîtriser quand vient la faim (l’avantage d’avoir jeûné des lustres…je me console comme je peux) et parfois j’entends des sirènes dans le noir, loin très loin de moi, qui les emportent.
Ce matin, avant de me mettre en boule dans une caisse en espérant dormir quelques heures, je décide de me faire…un petit cadeau. De moi à moi. Pas de voix dans la tête. C’est tout calme, j’ai presque peur de ce silence qui réjouirait les médecins. Avec le journal trouvé, je fais une boulette, enfonce mon index en son cœur pour faire une sorte de trou, et sors mes allumettes. La tête rougeoyante vient embraser les écritures noires et le papier gris, prémices d’un tout petit feu. Tout petit mais qui allume tant de joie en moi. Je n’ai aucune citation à l’esprit à propos de cet infime et infini bonheur, aucune prière à adresser, rien de religieux ou de philosophique, rien. Juste mes yeux pour regarder, et mon cœur pour être heureux. Cinq. Minutes.


__________________________________
*marranes : Juifs qui se faisaient passer pour des Catholiques
*Einsatzgruppen : milice allemande chargée de l'extermination des Juifs en Roumanie à cette époque
*Hachem et Adonaï : deux des noms que les Juifs donnent à Dieu
*mitzvah : bonne action
*tefillah : prière juive





Jeu 26 Aoû - 21:57 Dragomir Madalina
Alyosha Thaln
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Rebienvenue <3
Jeu 26 Aoû - 22:43 Alyosha Thaln
Dragomir Madalina
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Dragomir Madalina
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Ça fait si longtemps qu'il me gratte le cerveau lui... c'est un peu la consécration pour moi, j'espère qu'il sera à la hauteur, il est difficile à "accoucher", vraiment.
Merci pour l'aide et l'accueil ♥

(L'histoire est bien avancée, elle devrait arriver dimanche)
Jeu 26 Aoû - 23:10 Dragomir Madalina
Orion de la Roncière
Messages : 102
Métier : Conservateur
Citoyen pucé
Orion de la Roncière
Citoyen pucé
Tellement hâte de voir ce pauvre Dragomir et tout ses déboires !!!


Bon courage pour finir de metitre ce petit bébé au monde !
Ven 27 Aoû - 7:01 Orion de la Roncière
Anonymous
Invité
Invité
Oh ! Un petit nouveau ! re bienvenue à toi alors ! Rainbow sheep
Ven 27 Aoû - 16:17 Invité
Anonymous
Invité
Invité
*Offre une poche de sang et une couverture. Et une bougie aussi.* Supplique
Ven 27 Aoû - 23:12 Invité
Dragomir Madalina
Messages : 180
Métier : Sans Domicile Fixe
Citoyen
Dragomir Madalina
Citoyen
Merci pour votre accueil ♥
Je poste la psychologie aujourd'hui si j'arrive à calmer mon allergie t_t
Sam 28 Aoû - 9:53 Dragomir Madalina
Dragomir Madalina
Messages : 180
Métier : Sans Domicile Fixe
Citoyen
Dragomir Madalina
Citoyen
Bon comme je suis une gjkegfukzegzbrjkezbrlkjezbrlzvtkjevtzk je double poste pour dire que Mimir est terminé...
Pour le staff : je vous mets le lien d'une vidéo qui m'a beaucoup aidée à décrire les symptômes, en revanche méga WARNING si vous êtes sensibles car c'est assez violent :
Vidéo:
Je voulais d'ailleurs demander si, en spoiler, je pouvais la joindre à la signature pour les éventuels partenaires ? ça aide vraiment à comprendre ce qui se passe dans la tête d'un schizophrène. Si vous jugez que c'est trop violent je ne la mettrai pas !
Merci d'avance pour votre temps ♥
Sam 28 Aoû - 10:31 Dragomir Madalina
Alyosha Thaln
Messages : 713
Métier : Lieutenant de la milice - section IVC
Lieutenant grognon
Alyosha Thaln
Lieutenant grognon

Félicitations, tu es VALIDÉ par Quinn et moi ♥ !


Dragomir est un très beau perso, j'espère que tu pourras pleinement l'exploiter sur le forum et t'amuser avec ! La fiche était vraiment époustouflante.

Tu peux dès à présent remplir ou mettre à jour ta fiche de joueur, et ensuite, recenser ton personnage !


Ensuite, n'hésite pas si tu as envie à :



Amuse-toi bien sur le forum ♥

Dim 29 Aoû - 23:15 Alyosha Thaln
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